Insérons des clauses d’insertion !

L’Observatoire économique de l’achat public a mis en ligne un projet de guide relatif aux clauses d’insertion dans les marchés publics : il s’agit d’un mode d’emploi pour les acheteurs publics.
L’Observatoire économique de l’achat public a élaboré un projet de guide intitulé « Commande publique et accès à l’emploi des personnes qui en sont éloignées,

Guide à l’attention des acheteurs publics ». Il est mis en ligne afin d’être soumis à la concertation publique qui se terminera le 1er juin. Ce document a été rédigé dans le même esprit que celui de l’Alliance Villes Emploi, sans le remplacer : inciter les personnes publiques à introduire davantage de clauses d’insertion dans leurs marchés. Ce guide cherche à rassurer les pouvoirs adjudicateurs d’un point de vue juridique car ces clauses sont souvent considérées comme complexes à mettre en œuvre.

L’ESPRIT DU CODE

Il est vrai que le code des marchés publics 2006 est encore récent, cependant, il est étonnant que les personnes publiques n’utilisent pas davantage les moyens que leur donne ce texte pour agir sur le marché de l’emploi. L’esprit du code est bien de permettre aux acheteurs publics d’utiliser la commande publique comme prolongement d’actions politiques.

Dès l’article 5, le code pose l’obligation, aux pouvoirs adjudicateurs, lorsqu’ils définissent leurs besoins, de chercher à prendre en compte des objectifs de développement durable. Cette dernière notion comprend : l’efficacité économique, l’équité sociale et le développement écologiquement soutenable. Il ne s’agit pas d’une obligation de résultat : la personne publique doit seulement être en mesure de se justifier à l’égard des organismes de contrôle des marchés publics.

L’article 10 qui pose le principe de l’allotissement des marchés, peut contribuer à favoriser l’utilisation des clauses d’insertion. En le combinant avec d’autres articles du code, il est possible de « mettre en place dans un ou plusieurs lots une clause d’insertion, ou bien de réserver un ou plusieurs lots à des entreprises spécialisée dans l’insertion. »

LA MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES

L’utilisation de l’article 14 du code permet d’introduire des clauses à caractère social dans les conditions d’exécution d’un marché. Cependant, la rédaction d’une telle clause peut paraître compliquée. Le guide conseille de ne pas fixer les modalités d’exécution, mais de « permettre une gamme de possibilités d’exécution large et adaptée aux diverses situations des opérateurs économiques ».

De plus, le volume d’heures ou la part du montant du marché consacré à l’insertion doit rester « modeste par rapport au marché ». Enfin, la rédaction doit « offrir à tous la possibilité de satisfaire à la clause » : elle ne doit pas être discriminatoire. Cette clause correspond à un engagement que tout candidat au marché doit prétendre satisfaire, elle ne contribue pas au choix du titulaire.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent également réserver des marchés ou des lots à des entreprises, « lorsque la majorité des travailleurs concernés sont des personnes handicapées qui, en raison de la nature ou de la gravité de leurs déficiences, ne peuvent exercer une activité professionnelle dans des conditions normales ».

L’article 15 du code les y autorise. Cependant, le terme « réservé » signifie que le marché ou le lot considéré sera attribué à une certaine catégorie d’entreprise et non à une entreprise choisie librement par la personne publique. Ainsi, « une mise en concurrence se fera entre les différentes structures répertoriées à l’article 15 : entreprises adaptées, établissements et services d’aides par le travail et toutes autres structures équivalentes. » Cette réservation doit être mentionnée dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans les documents de consultation.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider, lorsque cela entre dans leurs prérogatives, d’agir de façon plus directe en passant des « marchés publics de services d’insertion professionnelle et/ou de qualification » qui relèvent de l’article 30 du code. Ce type de marché doit faire l’objet d’une grande vigilance. Rappelons d’abord que ces marchés doivent faire l’objet d’une réelle concurrence.

Ensuite, l’objet du marché doit être « une action d’insertion sur laquelle peut se greffer la réalisation de travaux ou la prestation de services à titre de support. Le contenu en insertion doit alors être suffisamment important ». Dans la même logique, les critères de sélections devront porter sur la « qualité de l’insertion » à la fin du marché, et non sur celle du résultat de la « prestation support ». Enfin, ces marchés ne peuvent être passés dans le cadre des marchés réservés de l’article 15.

Le guide présente les variantes de l’article 50 comme un autre moyen favoriser l’insertion dans les marchés publics, si elles sont combinées avec l’emploi de l’article 14. L’utilisation des variantes permet aux opérateurs économiques de proposer des solutions innovantes ou qu’ils maîtrisent mieux. Cependant, il ne faut pas oublier que, l’article 50 impose que les pouvoirs adjudicateurs indiquent les exigences minimales que doivent respecter les variantes.

Enfin, l’article 53 permet aussi aux personnes publiques d’agir sur l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. Dans un premier temps, il autorise l’utilisation de critères « de performance en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, en complément des critères classiques ». Seulement, ces critères doivent nécessairement avoir un lien avec l’objet du marché : ce dernier doit donc avoir une dimension sociale. Pour les marchés « ordinaires » de travaux, de fourniture ou de service, cela équivaut à faire usage de l’article 14 du code. Il ne faut pas non plus oublier que la pondération de ce critère doit être adéquate et raisonnable par rapport à l’objet du marché.

Dans un second temps, cet article permet de donner un droit de préférence, en cas d’offres égales ou équivalentes, « aux artisans ou aux sociétés d’artisans ou … ». Pour cela, il faut que la personne publique le mentionne dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans les documents de consultation.

D’AUTRES QUESTIONS PRATIQUES

Pour ce qui est de la définition des publics éloignés de l’emploi, le guide renvoie à l’article L. 322-4-16 du code du travail relatif aux structures d’insertion par l’activité économique :

« L’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. ».

Tout au long de ce guide, il est fortement conseillé aux acheteurs qui souhaitent employer une de ces méthodes de se renseigner sur l’état de l’offre économique du marché de l’emploi, en contactant surtout « les personnes publiques qui ont une bonne connaissance des offreurs potentiels d’insertion. ». Seulement, la personne publique doit prendre garde « à ne pas favoriser un concurrent par l’échanges d’informations préalables à la consultation ! ».

Enfin, notons que ces principes énoncés dans le guide sont applicables « à tous les contrats entrant dans le champ de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 », donc aux contrats de partenariat, « sous réserve de se référer aux dispositions applicables » à ces contrats.

Le code des marchés publics 2006 met beaucoup de moyens à dispositions des personnes publiques pour introduire des clauses d’insertion dans les marchés publics. Ces dernières ne doivent pas avoir peur de les utiliser, il suffit qu’elles restent vigilantes et raisonnables.