L’utilisation des clauses sociales dans les marchés publics demande beaucoup d’attention et de soin : tel pourrait être la conclusion de la conférence – débat organisée par l’AACT.
Le vendredi 15 juin 2007 s’est déroulée la conférence – débat annuelle de l’association des acheteurs des collectivités territoriales (AACT).
Le but principal de cette réunion était de fournir des retours d’expériences sur la mise en œuvre des clauses sociales. Une deuxième partie de la conférence était dédiée à quelques autres points délicats pour les acheteurs publics.
DES PRÉLIMINAIRES INDISPENSABLES POUR RÉUSSIR
Pour réussir l’exercice, jugé parfois difficile, d’utiliser les articles du code relatifs à l’insertion, il faut que les décideurs politiques le veuillent : ils donneront ainsi aux services les moyens nécessaires pour y parvenir. Dans le cas contraire, l’obligation de l’article 5 du code relatif à la définition des besoins ne sera respectée qu’a minima. Le conseil général du Doubs qui s’était fixé un objectif important en matière d’insertion, a notamment passé une convention avec l’ANPE pour obtenir les services d’une chargée de mission « clause d’insertion ».
Il faut également que le service marchés parvienne à convaincre les services techniques de prendre en compte les objectifs de développement durable dans leurs activités car beaucoup n’ont pas encore intégré cette dimension. Au conseil général du Doubs, par exemple, il a été demandé aux services recenser leurs besoins, ainsi qu’une estimation du nombre d’heures nécessaires pour la réalisation des marchés correspondants et le nombre d’heures d’insertion pour chaque marché.
Ces objectifs ont été inscrits dans une délibération pour obliger les services à tenir leurs engagements. Ce système permet notamment d’avoir du temps pour étudier le « potentiel d’insertion » des marchés à passer.
L’accompagnement est aussi un élément important. Il est nécessaire d’avoir recours à une personne ou une organisation de terrain. Elles permettent d’instaurer une interaction entre la personne publique, les entreprises et les personnes bénéficiant de ces prestations.
Elles informent l’acheteur public sur la réalité du tissu économique de par leur connaissance de la situation locale. Elles tentent également de rassurer les entreprises, notamment en essayant de leur démontrer que ce type de procédé peut être une chance pour eux. En effet, la chargée de mission détaché au conseil général du Doubs a pu convaincre des entreprises que cela pouvait notamment leur permettre de tester des personnes pour peut-être les embaucher par la suite.
LES CONDITIONS D’EXÉCUTION D’UN MARCHÉ
Pour ce qui est des articles du code 2006 relatifs à l’insertion, le plus facile à manier est sans doute l’article 14. En effet, il permet d’obliger les candidats à un appel d’offres de s’engager à respecter certaines conditions d’exécution pour le futur marché. Les acheteurs publics privilégient les marchés de travaux pour cette démarche, mais certains éléments doivent être pris en compte.
Il faut viser des marchés importants, qui génèrent des heures de travail demandant un faible niveau de qualification : cela permet un recrutement de main d’œuvre plus large. Les marchés permettent aussi d’absorber plus facilement le coût financier des heures d’insertion. De plus, ce nombre d’heures doit être conséquent, pour avoir un impact sur les bénéficiaires de cette procédure.
À cela, doit être ajoutée une bonne analyse du potentiel d’un marché. La personne publique qui fixe un nombre d’heures d’insertion au titre de l’article 14 ne doit pas fixer cet élément au hasard : il s’agit d’un engagement contractuel dont le non respect doit être sanctionné. Il faut donc instaurer une méthode d’évaluation comme le calcul du « pourcentage brute » des heures d’insertion que peut générer chaque travail. Ce point est important car il différencie l’article 14 de l’article 53 du code.
Ce dernier permet à un pouvoir adjudicateur d’évaluer une offre sur des performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficultés. De par sa pondération, il permet de donner un poids plus ou moins important à ce critère. Pour autant, il faut tout de même que ce critère et sa pondération soient en rapport avec l’objet du marché. Il ne contient par lui-même aucun engagement contractuel : pour cela, il doit être notamment associé à l’article 14.
Il faut aussi se poser la question de l’allotissement ; par exemple proposer des lots peu techniques pour favoriser l’insertion. Cependant, la réalité du terrain a parfois remis en cause cette vision des choses. Le conseil général du Doubs a constaté que le public visé par ces mesures est parfois plus qualifié qu’il ne le pensait et certains lots techniques de ses marchés auraient pu contenir des clauses d’insertion.
La pratique a également montré que ce procédé permettait de tester les personnes dans un milieu professionnel et pouvait représenter un moyen d’embauche pour des entreprises qui manquent de main d’œuvre.
Le prolongement de l’action sociale
Dans le cadre de leur politique sociale, les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés d’insertion qui relèvent de l’article 30. Le directeur de la commande publique de la ville de Roubaix a bien insisté sur le fait que l’objet de ces marchés est bien l’insertion : les activités servant de support à ces marchés sont donc secondaires.
Le public visé par ce type de marché correspond aux « personnes les plus démunies » qui ont perdu tout contact avec le monde du travail. Ainsi, le but premier de ce type de prestation n’est pas obligatoirement l’emploi, mais plutôt le début d’une reprise de contact avec la société et dans un second temps, établir avec elles un projet professionnel.
Le critère essentiel de sélection de ces marchés est donc la pertinence de la démarche d’insertion que présentent les offres : les formations dont bénéficieront les personnes prises en charges, le soutien qui leur sera offert, les perspectives d’avenir …
Dans la réalité, ces marchés sont parfois difficiles à mettre en place car les entreprises spécialisées dans ce domaine n’ont pas encore l’habitude de répondre à une offre soumise à la concurrence. Un autre point qui suscite aussi de nombreux problèmes concerne les « activités supports » (entretien jardin, nettoyage, …).
Ces marchés sont exécutés dans le cadre d’activités du secteur marchand et lors du contrôle de légalité, les préfets ont tendance à considérer que ces « activités supports » représentent l’objet principal du marché. L’objectif d’insertion ne servirait qu’à « maquiller » la procédure. Le représentant de la ville de Roubaix s’est dit « chanceux », pendant la conférence, car leurs marchés n’ont fait l’objet que d’observations sans conséquences, à la différence de ceux d’autres administrations dont certains marchés ont été annulés.
Les marchés réservés
L’article 15 du code est le seul qui permette à une personne publique de réserver un marché ou un lot à la catégorie des entreprises adaptées ou à des établissements et services d’aide par le travail pour les travailleurs handicapés.
D’après la responsable du service Achats-Marchés du conseil général d’Ille-et-Vilaine, ces marchés comportent plusieurs contraintes. L’acheteur public doit notamment avoir une idée relativement juste des capacités de ces entreprises pour ne pas avoir de marché ou de lot infructueux. De plus, le prix des prestations offertes est en général relativement élevé. Il faut ajouter que ces structures ne sont pas dans une logique de concurrence : en général, elles se partagent un territoire, justement de ne pas entrer en compétition.
Malgré cela, les collectivités utilisent ces marchés car ils permettent de constituer le prolongement de l’action sociale de la personne publique en favorisant le développement ou le maintien de ces structures d’insertion.
LES POINTS QUI ÉNERVENT
La seconde partie de la conférence – débat a permis d’aborder d’autres éléments de la commande publique qui rendent les acheteurs publics « nerveux » : les accords-cadres, la publicité, l’interdiction des références aux marques et les actions des candidats évincés notamment. L’annulation d’un marché dans lequel une case n’aurait pas été cochée dans un formulaire de publicité a notamment suscité « quelques réactions ». L’idée de la rédaction d’un livre blanc a été lancée par le président de l’AACT pour rendre compte des difficultés des acheteurs.
S’il est vrai que la réforme de 2006 permet de faire plus que de l’achat pur et simple, cette journée nous a démontré que les personnes publiques devaient rester vigilantes à tous les stades de la procédure de passation de tous leurs marchés.