Développement durable
Dans le cadre de la préparation du « Grenelle de l’environnement », l’ordre des architectes a formulé des propositions sur le développement durable dans la construction et l’aménagement du territoire
Pour participer aux réflexions menées dans le cadre des travaux préparatoires du « Grenelle de l’environnement », l’ordre des architectes a mis en ligne des propositions relatives à une meilleure prise en compte du développement durable dans les constructions et les opérations d’aménagement du territoire. Ce document s’adresse directement à deux des six groupes de travail mis en place pour le « grand rendez-vous sur l’environnement » qui aura lieu en octobre.
UN CHANGEMENT DE PHILOSOPHIE POUR LE DROIT ET LA COMMANDE PUBLIQUE
L’ordre des architectes recommande de changer d’approche en ce qui concerne le droit et la commande publique. En effet, il considère que la surabondance de normes n’est pas le moyen le plus adapté pour intégrer le développement durable dans les habitudes. La solution semblerait venir d’une plus grande responsabilité à faire peser sur l’architecte : « il faut confier à l’architecte la garantie de la prise en compte des valeurs du Développement durable » dans un projet qui se veut éco-responsable. La proposition suggère de laisser au maître d’œuvre « la garantie du processus de concertation et d’utilisation des matériaux et procédés les plus performants au regard de cet objectif ».
Cette position de l’ordre n’est pas nouvelle car il défend l’originalité de la profession. Pour lui, il faut privilégier « l’innovation et la créativité plutôt à l’approche technocratique ». Par ailleurs, l’ordre a notamment quitté l’association HQE car il l’a jugée trop technicienne : « elle entretient l’illusion du tout mesurable et du tout normatif ».
Il est vrai que l’accumulation de normes peut porter préjudice à un système en le rendant trop complexe. Cependant, lorsqu’on aborde une matière aussi imprécise, il faut tout de même un certain encadrement. Rappelons que le code des marchés publics 2006 définit les objectifs de développement durable comme « conciliant le développement économique, la protection et la mise en valeur de l’environnement et le progrès social ». Faire reposer sur un architecte le respect de ces principes peut être risqué : suivant les sensibilités de ces maîtres d’œuvre, une même solution peut paraître ou non la plus performante. L’émission de nombreuses normes, quant à elle, dans un tel domaine, peut sembler rassurante. Ceux qui doivent agir dans le respect de ces principes, comme les pouvoirs adjudicateurs par exemple, apprécient de trouver un guide neutre comme une norme, même si parfois elles sont complexes : il s’agit d’un autre débat, celui de la qualité de norme.
Ainsi, suivant le point de vue que l’on adopte, cette proposition peut sembler plus ou moins applicable. Pour l’ordre, l’essentiel est de mettre « la qualité du lieu » au centre des préoccupations et non le respect de l’intérêt général que défend avant tout une norme. Cette conception a conduit logiquement l’ordre des architectes à suggérer une autre vision de la commande publique.
POUR DE NOUVEAUX CRITÈRES DE SÉLECTION DANS LA COMMANDE PUBLIQUE
Pour ce qui est des marchés publics, l’ordre préconise de faire évoluer les critères de sélection des offres : il ne faudrait plus choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, mais « rechercher la satisfaction optimale du service public objet du marché ». Ainsi, le système actuel ne semble pas offrir toute l’efficacité qu’on lui prête volontiers. En prolongeant cette idée, nous pouvons en déduire que le choix établi sur la base de la procédure actuelle, n’est qu’un compromis : lorsqu’un acheteur public attribue un marché public, il ne fait, en réalité, que choisir la solution la moins mauvaise. Au contraire, en se basant sur « la satisfaction optimale du service public objet du marché », le pouvoir adjudicateur jouerait pleinement son rôle en s’assurant d’acquérir les meilleures prestations possibles et non en s’inquiétant d’obtenir ce qu’il souhaite « systématiquement au moindre coût immédiat ».
Cependant, une telle logique place les marchés publics hors du contexte économique qui est pourtant une donnée bien réelle et influence un bon nombre de choix des décideurs politiques. Parfois, les personnes publiques n’acquièrent qu’une prestation minimum, mais il ne faut pas oublier qu’elles sont soumises à des impératifs comme la bonne utilisation des deniers publics. Il est vrai que les acheteurs publics devront davantage regarder, pour l’attribution de leurs marchés, les bénéfices obtenus sur le long terme de démarches de développement durable. La nouvelle version du règlement sur le programme ENERGY STAR, que le Parlement européen a adopté le 10 juillet dernier, va dans ce sens. Cependant, il faut pouvoir définir et quantifier ces bénéfices qui sont parfois bien indirects, pour les mettre en relation avec les offres des candidats.
Pour concrétiser sa proposition, l’ordre propose d’apporter plusieurs changements dont bien sûr celui des critères de sélection. En effet, il suggère de remplacer les critères de sélection des offres prévus à l’article 53 du code des marchés publics. Rappelons que cet article permet d’utiliser soit le critère unique du prix, si l’objet du marché le permet, soit une pluralité de critères tels que « le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté… ». L’ordre propose de les remplacer par des critères permettant de mieux juger la qualité des offres comme « la qualité des espaces, la fonctionnalité et l’efficacité dans la satisfaction du service, l’impact environnemental, la création de valeur patrimoniale, le coût en analyse globale intégrant investissement, fonctionnement, coût énergétique et maintenance, l’adaptabilité aux évolutions des besoins durant la vie de l’équipement ». Ces critères peuvent sans doute permettre d’atteindre une « satisfaction optimale du service » mais certains semblent complexes à mesurer.
UNE POSITION CONSTANTE SUR LES MARCHÉS DE MAÎTRISE D’ŒUVRE
L’ordre propose également de modifier l’article 74 du code, en supprimant les dérogations qu’il autorise pour les marchés de maîtrise d’oeuvre passés selon une procédure formalisée. De plus, pour le même type de marchés passés selon une procédure adaptée, il préconise d’imposer soit les critères de sélection : les compétences, les références et les moyens, soit la procédure de passation : le concours. Le but de ces propositions est bien évidemment la garantie d’une grande qualité des prestations acquises par le pouvoir adjudicateur. Cette position n’est pas nouvelle : l’ordre a toujours défendu le procédé du concours qui paraît le meilleur système de sélection pour ces marchés.
Dans le même esprit, une autre proposition consiste à « valoriser la programmation et la conception » notamment en « investissant dans l’intelligence de conception ». Il est regrettable que ces suggestions ne fassent pas l’objet d’un plus grand développement, car il semble que ce soit déjà le cas avec les procédures actuelles comme l’étude de faisabilité avant le lancement de tout projet notamment.
L’ordre met en garde les acheteurs publics contre le recours au contrat de partenariat. En effet, ces contrats qui paraissent économiquement intéressants à court terme, sont en réalité plus onéreux que les marchés publics : ils transfèrent la dette de la personne publique dans le temps. « Alors que l’on parle de développement durable, il est fondamental de faire de l’économie durable et de ne pas transférer nos dettes sur les générations futures ».
Ainsi ces propositions, concernant la commande publique, tendent toutes à renforcer le rôle des architectes : nous verrons en octobre quelle aura été la portée de ces suggestions.