Les métiers de la maîtrise d’œuvre sont multiples et souvent mal connus des acheteurs. Ils sont pourtant des auxiliaires indispensables du maître d’ouvrage.
Un rapport du Sénat fait le point. La commission des Affaires culturelles du Sénat s’est penchée sur les métiers de l’architecture et donc sur la problématique de la maîtrise d’oeuvre.
Elle propose un état des lieux et des préconisations, tant au niveau de la reconnaissance de ces professions par les maîtres d’ouvrage que de la place des architectes dans les contrats de partenariat.
Le maître d’œuvre peine parfois à trouver sa place dans le processus de passation des marchés. Le rapport pointe notamment les améliorations qui peuvent être mises en place par les maîtres d’ouvrage, qui connaissent parfois mal les métiers de la maîtrise d’œuvre et ne les reconnaissent pas à leur juste valeur.
UNE GRANDE VARIÉTÉ DE PROFESSIONS AU SERVICE DES MAÎTRES D’OUVRAGE
La maîtrise d’œuvre intervient entre le maître d’ouvrage et le secteur du bâtiment et des travaux publics. Sous l’appellation de maîtrise d’œuvre sa cache une grande diversité de professions.
Tout d’abord les bureaux d’études et ingénieurs conseils, qui regroupent trois sous-secteurs : ingénierie industrielle, ingénierie du bâtiment et ingénierie d’infrastructure. Il existe principalement deux types de structures : les grandes société d’ingénierie et les petites structures et ingénieurs conseils (40 % des entreprises du secteur son unipersonnelle).
Cette profession n’est pas réglementée mais les capacités et qualifications sont attestés par l’ « Organisme professionnel de qualification de l’ingénierie : infrastructure, bâtiment, industrie ».
Ensuite les économistes de la construction, qui œuvrent pour la maîtrise des coûts tout au long du processus de construction. Les professionnels de l’ordonnancement, du pilotage et de la coordination (OPC) tendent à se constituer en mission autonome dans des structures spécifiques.
Et aussi, un certain nombre de professions qui interviennent diversement dans la maîtrise d’œuvre : paysagistes, urbanistes, géomètres-experts …
Finalement, bien sûr, les architectes, dont les fonctions sont mieux connues par les maîtres d’ouvrage. Profession réglementée, les architectes connaissent actuellement une crise, bien qu’ils interviennent obligatoirement dans les projets architecturaux nécessitant un permis de construire (conformément à l’article 3 de la loi du 3 janvier 1977).
UNE RÉFORME DU CADRE LÉGISLATIF OU UNE « CHARTE DE BONNE COMMANDE » ?
Les évolutions qualitatives et quantitatives de la commande publique ont entraîné une crise des professionnels de la maîtrise d’œuvre. Pour autant, une réforme complète du cadre législatif est-elle souhaitable ? Ce n’est en tout cas pas l’avis de la commission.
Actuellement, c’est la loi du 3 janvier 1977 qui organise le recours aux professions de l’architecture et du cadre de vie. Une tentative de réforme, lancée en 1998, a échoué. Quoi qu’il en soit, le rapport préconise quelques modifications dans la façon d’agir des maîtres d’ouvrage, qui pourraient résorber les difficultés des maîtres d’œuvre.
Ainsi, le simple respect des textes en vigueur est la première mesure de bon sens prônée, les auditions menées dans le cadre du rapport ayant mis au jour le non respect quasiment systématique de certaines obligations.
Par ailleurs, certaines prestations ne sont pas prises en compte à leur juste valeur. Ainsi, les études préliminaires commandées aux architectes, qui nécessitent un important travail de fond sont très souvent sous estimées.
Au maître d’ouvrage de reconnaître ce travail en proposant une juste rémunération et en privilégiant une démarche contractuelle, qui couvrirait effectivement « l’intégralité du champ d’intervention de l’architecte ».
Enfin, la rédaction d’un « charte de bonne commande », rédigée par exemple par la Mission interministérielle pour la qualité dans les constructions publiques (MIQCP) pourrait rappeler les obligations légales des maîtres d’ouvrage et inciter à recourir à de « bonnes pratiques ».
LA MAÎTRISE D’ŒUVRE DANS LES CONTRATS DE PARTENARIAT
L’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat a fait couler beaucoup d’encre et travailler beaucoup d’avocats. Le contentieux qui avait suivi, largement animé par les représentants des architectes, n’avait pas permis d’annuler l’ordonnance.
L’hostilité des architectes était notamment liée au risque de voir la qualité architecturale sacrifiée sur l’autel de l’efficacité. Les architectes craignaient de se retrouver en porte-à-faux dans ce type de marchés et même d’en être évincés, même si la loi du 21 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit comportait dans son article 6 la nécessité de prévoir « les conditions d’un accès équitable des architectes, des concepteurs, des PME et des artisans ».
Mais ces dispositions n’ont pas apaisé la crainte des professionnels de la maîtrise d’oeuvre d’être écartés de ces marchés. Le rapport recommande donc aux autorités publiques d’accorder une plus grande place à la réalisation de l’évaluation préalable de ce type de contrat et pointe les risques d’un recours trop fréquent (dépossession des collectivités de leur rôle de maître d’ouvrage, risques financiers).
Ainsi, il semblerait intéressant de s’appuyer sur l’expérience britannique de la « commission for architecture and built environnement » qui prône de recourir à un architecte dans la phase préalable de formulation des exigences et soigner tout particulièrement le cahier des charges.
Dans ce cadre, la MIQCP pourrait jouer un rôle de conseil.
« 30 PROPOSITIONS POUR L’ARCHITECTURE ET LE CADRE DE VIE »
L’État et les collectivités territoriales, maîtres d’ouvrages incontournables, gagneraient à s’ériger en chefs de file de la promotion de la « qualité architecturale et urbaine du cadre de vie ». Aux collectivités de se montrer exemplaires en termes de déontologie et de qualité en tant que maître d’ouvrage.
Le rapport présente une trentaine de propositions concrètes à l’attention des maîtres d’ouvrage, afin d’améliorer le cadre de vie et le travail des maîtres d’œuvre. Pour « défendre une certaine idée de l’architecture et de la qualité du cadre de vie » : pourquoi ne pas mettre en œuvre de véritables services départementaux de l’architecture, de l’urbanisme et du patrimoine.
En ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage et sa « moralisation », les propositions concernent notamment une contractualisation du lien avec les architectes, prenant notamment en compte les études préliminaires.
Créer une « confédération des professions de la maîtrise d’œuvre » afin de gagner en influence auprès des pouvoirs publics et des autres acteurs. Une autre proposition consiste à inciter les collectivités à créer des Fonds d’aide de la création et à l’innovation afin de susciter une réelle ambition architecturale dans les collectivités.