Pourquoi ne pas regarder de l’autre côté du Rhin ?

Ubifrance a réalisé une fiche de synthèse sur le droit des marchés publics en Allemagne pour inciter nos entreprises nationales à s’intéresser à ces contrats qui peuvent être un débouché important.

Ubifrance (1) a décidé de mettre en ligne, avec la collaboration la Mission économique de Düsseldorf, une fiche de synthèse relative aux règles de procédures de passation des marchés publics en Allemagne afin d’encourager les entreprise françaises à candidater pour ces contrats.

Le secteur économique que représentent ces marchés est très important : pour exemple, « la centrale d’achat du Ministère de l’intérieur signe plus de 3 000 contrats par an avec des fournisseurs nationaux ou étrangers soit un volume d’achat de 611,2 millions euros ».

Les entreprises françaises ont donc intérêt à se tourner vers l’autre côté du Rhin pour tenter d’obtenir de nouveaux débouchés. Cependant, ces sociétés devront faire attention car en Allemagne, le droit régissant ces contrats publics diffère du notre, bien qu’il existe un socle de règles communes, correspondant principalement aux directives européennes 2004/17/CE et 2004/18/CE.

DES RÈGLES DE PROCEDURE DE PASSATION DIFFÉRENTES

En Allemagne, l’appel d’offres ouvert est la procédure de principe de passation des marchés publics. L’utilisation de l’appel d’offre restreint est soumise à certaines conditions, alors qu’en France ce choix dépend uniquement de la seule volonté des pouvoirs adjudicateurs. Ainsi, un acheteur public allemand pourra y recourir si une première procédure ouverte s’est révélée infructueuse ou si la procédure ouverte « est impossible pour des raisons d’urgence ou de confidentialité ». Cependant, malgré la rigidité de ce cadre légale, « les organismes publics privilégient de plus en plus la procédure restreinte ceci afin d’éviter d’avoir à traiter trop de dossiers ».

Ainsi, dans la pratique, les acheteurs publics allemands semblent avoir recours à des justifications qui ne correspondent pas parfaitement aux exceptions de leur droit national. Ce comportement ne semble pas avoir marqué la jurisprudence communautaire car les directives laissent, sur ce sujet, une marge de liberté aux États.

La procédure négociée doit, quant à elle, être utilisée de la même façon qu’en France car les directives européennes encadrent strictement l’emploi de cette solution exceptionnelle. De plus, pour les marchés complexes et dont le montant se situe au- dessus des seuils communautaires, les personnes peuvent recourir exceptionnellement au « dialogue concurrentiel ».

Cependant, ce système est très peu employé car les entreprises semblent craindre « les irrégularités éventuelles qui pourraient entacher le marché » et l’annulation de la procédure qui en découlerait.

DES SECTEURS PARTICULIERS DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Dans certains secteurs tels que l’eau, l’énergie, les transports, les télécommunications, les pouvoirs adjudicateurs allemands ont la possibilité de recourir librement à ces procédures. Ils disposent même d’une dernière procédure : la « préqualification ».

Elle se déroule en deux phases. En premier lieu, la personne publique lance un appel à candidature pour un ces domaines. Une fois qu’elle a examiné des dossiers, elle sélectionne les futurs soumissionnaires sur « la base d’un contrôle de leur aptitude à répondre aux commandes de façon satisfaisante ».

Ensuite, lorsqu’un besoin se manifestera dans ce secteur, ce pouvoir adjudicateur ne fera appel qu’aux seuls « préqualifiés ». Cette démarche, dont le but est de diminuer les démarches administratives lourdes des procédures classiques, est donc différente d’un accord-cadre ou d’un marché à bon de commande.

Les domaines de l’eau, de l’énergie, des transports, des télécommunications font l’objet d’un traitement particulier en Allemagne et la concurrence n’y est pas « pure et parfaite ».

La Commission européenne a encore récemment publié un communiqué de presse pour énoncer son intention d’intenter des recours devant la Cour de justice des Communautés européennes contre différentes procédures allemandes. En effet, le 27 juin dernier, la Commission a décidé d’engager des poursuites, notamment pour des contrats passés par des organismes de radiodiffusion publique et d’autres passés par les autorités locales et régionales pour l’attribution de contrats de services de transport d’urgence sans mise en concurrence.

Dans le premier cas, la Commission considère que le régime de financement des organismes de radiodiffusion permet de les qualifier d’acheteurs publics et doivent donc respecter les règles de la mise en concurrence. Dans le second cas, la Commission reproche au gouvernement allemand de permettre à des personnes publiques locales et régionales d’attribuer des marchés de services de transport d’urgence sans respecter le droit communautaire de passation de ces contrats. Pour le gouvernement allemand, ces contrats « font partie des missions publiques des États » et doivent donc être hors du droit communautaire. Il semblerait surprenant que les jugements de la CJCE suivent le raisonnement du gouvernement allemand, mais pour le moment ce dernier persiste.

LES PROCÉDURES DE RECOURS

En Allemagne, les procédures de recours ne sont pas les mêmes selon que le marché concerné se situe au dessus des seuils communautaires ou non. Le droit allemand est assez strict en la matière.

Pour un marché dont le montant est supérieur à ces seuils, un candidat évincé qui souhaite faire annuler une procédure litigieuse, devra saisir la chambre de contrôle des passations des marchés publics de première instance locale ou fédérale pour les marchés de l’État : la Vergabekammer. Il s’agit d’un recours en vérification qui doit être effectué avant la signature du contrat. Cet organe de jugement devra rendre sa décision dans les semaines qui suivent la réception de la demande : il s’agit d’un acte administratif qui peut faire l’objet d’un deuxième recours devant une cour d’appel. Cette seconde procédure est en revanche plus longue et le jugement rendu est définitif.

Lorsque le montant du marché est inférieur aux seuils, les candidats évincés disposent de deux recours mais ne peuvent pas espérer obtenir l’annulation de la procédure. Dans les deux cas, les demandeurs pourront seulement exiger le remboursement des frais engagés pour répondre à l’appel d’offre, s’ils parviennent à prouver qu’ils avaient une chance réelle de remporter le marché.

« Les gains potentiels liés à l’obtention du marché ne sont indemnisés que si le non-respect de la procédure par le donneur d’ordres fait l’objet d’une appréciation délictueuse ». Cependant, si le juge allemand estime que le recours est abusif, c’est le demandeur qui devra verser des dommages et intérêts aux autres participants de la procédure.

Si des entreprises françaises veulent postuler pour l’attribution de marchés publics en Allemagne, elles ont intérêt à connaître les spécificités du droit national pour éviter de mauvaises surprises. Cependant, ces règles vont probablement changer, notamment sous l’action de la Commission européenne et du droit communautaire.

(1) UBIFRANCE, l’Agence française pour le développement international des entreprises, est un établissement public industriel et commercial dépendant du Ministre délégué au Commerce extérieur et de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE). Sa mission est d’aider les entreprises françaises à se développer à l’international de manière efficace et durable.