Soutenons nos PME, mais comment faire ?

Le thème du « Small Business Act » européen est devenu pour certains un enjeu prioritaire pour notre économie car les PME sont les employeurs les plus dynamiques et les propositions ne manquent pas.


De plus en plus d’organismes de soutien aux PME se font entendre pour que les institutions communautaires prennent des mesures afin d’aider ces entreprises à se développer. Ainsi, l’instauration d’un « Small Business Act »(1) à l’européenne est devenue un thème majeur dans ce domaine car il est ressenti comme une véritable nécessité.

Emmanuel Leprince, Président de la Fédération européenne des PME de haute technologie a récemment écrit une lettre au commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, pour le lui rappeler.

En France, plusieurs organisations de PME sont très actives sur le sujet et ont même publié leurs propositions et les ont adressées au gouvernement qui, rappelons le, prendra la présidence de l’Union européenne en 2008. Ainsi, le comité Richelieu(2) a publié son second livre blanc en février 2007 et la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) (3) a publié en juin dernier un document intitulé « Pour un small business act à la française ». Si leur objectif est identique, leurs propositions diffèrent.

POUR UN « COUP DE POUCE » DIRECT DE L’ETAT

Les deux organismes demandent à ce que l’État joue un rôle direct auprès des PME, mais de manière différente.

Pour le comité Richelieu, l’action de l’État doit être avant tout financière. En effet, le principal point faible des PME françaises, voire européennes, est leur manque de financement. Les petites structures ont beaucoup de difficulté à obtenir des banques les fonds qui leur sont nécessaires et la situation est encore pire pour les PME innovantes.

Pour remédier à cette situation, le comité propose que les « PME puissent bénéficier de soutiens publics adaptés à leur dynamique de croissance ». Les aides doivent d’abord être octroyées en priorité aux PME innovantes : elles ont un grand besoin de capitaux et ce sont celles qui présentent le plus de débouchés économiques.

Les financements apportés doivent également servir à rassurer les autres partenaires des PME. Ainsi, le montant des aides « ne devrait pas être plafonné par le niveau des fonds propres des entreprises », et elles « ne devraient pas être remboursables ».

De telles mesures seraient un atout majeur pour les PME, mais ce système serait sans nul doute considéré par les institutions européennes comme illégal au regard du droit communautaire.

Pour sa part, la Confédération générale des PME propose au gouvernement d’agir sur la dématérialisation. Pour la CGPME, l’État devrait d’abord encourager davantage les petites structures à recourir aux nouvelles technologies dans leur fonctionnement.

Le système de crédit d’impôt de l’article 244 quater K du code général des impôts représente déjà « une incitation forte, au bénéfice des petites et moyennes entreprises lorsqu’elles exposent des dépenses d’équipement dans les nouvelles technologies ». Il est parfois difficile pour de petites sociétés d’investir, mais le retour sur investissement peut être très important : « en termes de gain de temps mais également en termes d’ouverture de nouveaux marchés, et pas uniquement au niveau local ».

Cependant, pour susciter un véritable intérêt chez les petites sociétés, la CGPME demande au gouvernement de lancer les programmes de formation pour les dirigeants de ces structures qui connaissent souvent très mal le droit des marchés publics, leurs procédures de passation et, en particulier, l’usage de la voie électronique.

Non seulement, cette démarche leur permettrait de comprendre le fonctionnement de l’achat public, mais également leur démontrerait l’intérêt de chercher à répondre à des appels d’offres.

Parallèlement, la confédération demande à ce que l’État oblige les collectivités territoriales à jouer pleinement le jeu de la dématérialisation. De nombreuses personnes publiques sont réticentes envers les nouvelles technologies et d’après elle, cette situation « n’incite pas les PME à utiliser les procédures dématérialisées ».

En effet, on ne peut pas demander au PME de faire des investissements si les plates-formes électroniques des pouvoirs adjudicateurs ne sont pas à la hauteur de leurs efforts.

POUR UN CHANGEMENT DES REGLES DU JEU

Les deux projets demandent également un assouplissement des règles d’attribution des marchés publics aux petites et moyennes entreprises établies dans l’accord sur les marchés publics (AMP) qui a été conclu dans le cadre de l’organisation mondial su commerce. Pourtant, là aussi, l’esprit n’est pas le même.

Pour le comité Richelieu, l’Union européenne doit obtenir une exemption pour les PME, au même titre que d’autres pays tels que les États Unis. Cette dérogation à l’AMP permettrait aux gouvernements européens de prendre, selon le comité, plusieurs mesures afin de donner plus de chances aux PME de se développer et permettre leur implantation durable sur le marché.

Ainsi, il serait possible de « déterminer pour les organismes publics des objectifs annuels de part des achats à attribuer aux PME » ou « d’autoriser les acheteurs publics à négocier avec les grands maîtres d’œuvre des objectifs de part de sous-traitance à attribuer à des PME », par exemple.
Cependant, en attendant l’obtention d’une exemption, certaines mesures pourraient déjà être prises dans le respect du cadre juridique actuelle.

Le comité propose notamment « d’organiser la mise en place, sur la base de l’article 3 du code des marchés publics, de programmes Innovation permettant d’attribuer des marchés publics de R&D; à des PME » ou « d’autoriser les acheteurs à réserver aux PME innovantes les marchés publics d’un montant inférieur à 135 000 euros pour lesquels au moins deux d’entre elles font une offre pertinente sur la base de l’article 28 du code ».

La CGPME, elle, ne désire pas voir imposer aux acheteurs publics un quota de marchés à réserver aux PME : il faudrait seulement « mettre en place un environnement favorisant notamment l’accès des PME innovantes aux marchés publics ».

Ainsi, le nouvel équilibre que demande la confédération par « l’instauration d’un cadre légal souple, respectant le principe de non discrimination », semble plus respectueux des règles de la concurrence dans la commande public et de l’AMP.

Cependant, il est dommage qu’elle ne propose pas de mesures concrètes. En effet, selon elle, il faudrait prendre des mesures pour rééquilibrer la situation en faveur des PME, « sans impact négatif sur les secteurs de marché où les PME sont déjà présentes » et qui « devraient être neutres du point de vue de la nationalité des entreprises ».

De plus, ces dispositions doivent aider les petites sociétés à faire des gains en termes de compétitivité et non les sortir du jeu de la concurrence par un système de quota : c’est notamment la raison pour laquelle, les mesures doivent viser en priorité les PME innovantes qui sont les plus dynamiques.

Ce « dispositif » semble très attrayant mais il reste à savoir quelles mesures pourront le mettre en œuvre.

Comme nous pouvons le constater, les propositions pour mettre en place un « Small Business Act » à l’européenne ne manquent pas. Cependant, il faut avant tout convaincre les institutions communautaires que la loi du marché et donc de la libre concurrence a besoin de quelques aménagements.

Ce raisonnement a des difficultés à se faire ententes dans ces instances car l’Union européenne a été fondé sur le principe du libre échange. De plus, rappelons qu’au niveau national, le juge administratif suprême a annulé les dispositions du code qui favorisaient les PME.

(1) Au États-Unis, une loi impose aux administrations de réserver une partie de leurs marchés aux petites entreprises.
(2) Le Comité Richelieu est l’Association Française des PME de Haute Technologie, créée en 1989, indépendante des pouvoirs publics et des grandes entreprises. Ce comité a pour but de promouvoir l’image des PME innovantes, de constituer un réseau d’aide et de soutien aux PME.
(3) La Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) est un syndicat qui se donne pour mission de défendre les intérêts des PME par son travail auprès des pouvoirs publics, sa participation aux concertations officielles ou par la publication d’ouvrages économiques et sociaux.